——— Mise à jour en 2013 ———
En effet, depuis notre précédent article, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a rendue ses premiers arrêts en vertu desquels elle a précisé que :
– la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du Code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause. Dès lors, à défaut de remise de cet exemplaire au salarié, la convention de rupture est considérée comme nulle ce qui équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à des dommages et intérêts au salarié (Cass. soc., 6 févr. 2013, no 11-27.000) ;
– la rupture conventionnelle intervenue dans le contexte de harcèlement moral doit être déclarée nulle, le consentement du salarié ne pouvant être considéré comme librement donné. Dès lors, dans ce contexte, la rupture conventionnelle est considérée comme nulle et à les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit à des dommages et intérêts au salarié (Cass. soc., 30 janv. 2013, no 11-22.332).
Comme on le prévoyait, la Chambre sociale de la Cour de cassation a fait le choix d’encadrer la rupture conventionnelle du contrat de travail, et ces deux décisions interviennent quelques semaines après un renchérissement non négligeable du coût de la rupture puisque, depuis le 1er janvier, un forfait social de 20 % s’applique sur une partie des indemnités de rupture conventionnelle (lire l’article sur les mesures sociales pour 2013).
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L’employeur et le salarié peuvent s’accorder pour rompre le contrat de travail d’un commun accord par le biais de la rupture conventionnelle. La rupture conventionnelle est un mode de rupture autonome qui est soumise à une procédure particulière et qui repose sur le consentement des deux parties.
Avec quel salarié l’employeur peut-il conclure une rupture conventionnelle ?
La rupture conventionnelle concerne uniquement les salariés en contrat à durée indéterminée. L’employeur ne peut conclure une rupture conventionnelle avec un salarié en contrat de travail à durée déterminée, ni avec un salarié en contrat d’apprentissage (article L.1231-1 du Code du travail).
Les salariés protégés peuvent négocier une rupture conventionnelle. Dans ce cas, la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail selon les règles habituelles accompagnées du formulaire spécifique aux salariés protégés (et non pas à une homologation).
Le salarié dont le contrat de travail est suspendu et qui ne bénéficie d’aucune protection particulière à ce titre, comme le salarié en congé parental d’éducation ou encore le salarié en congé sans solde, peut conclure une convention de rupture conventionnelle.
Dans un arrêt du 23 mars 2012, la cour d’appel de Rennes a considéré que la convention de rupture conventionnelle conclue durant un congé pour maladie non professionnelle est parfaitement régulière, dès lors que, par ailleurs, le consentement du salarié a été donné de façon libre et éclairée (CA Rennes, 8e ch. prud., 23 mars 2012, n° 10/06873). Comme le fait apparaître cet arrêt, la signature d’une rupture conventionnelle durant un arrêt maladie incitera néanmoins les juges du fond à vérifier de manière encore plus appuyée que le salarié a valablement donné son consentement. En l’espèce, l’intéressé était en arrêt maladie depuis huit mois en raison d’un syndrome anxio-dépressif. Les juges ont ainsi pris soin de vérifier que ce dernier n’avait pas été victime de harcèlement moral ou de discrimination avant de valider la rupture.
Dans une précédente affaire, une cour d’appel a, au contraire, prononcé une requalification de la convention en licenciement sans cause réelle et sérieuse, constatant que « la rupture conventionnelle était intervenue en période de suspension du contrat de travail sans que la salariée soit mise en mesure de se faire assister, ce qui caractérise la précipitation qui pèse sur la liberté de consentir » (CA Amiens, 5e ch. soc., 11 janvier 2012, n° 11/00555).
A l’inverse, aucune rupture conventionnelle ne peut être signée lorsque le contrat de travail est encadré pendant la période de suspension, c’est le cas pendant le congé de maternité ou pendant l’arrêt de travail imputable à un accident du travail (articles L.1225-4 et L.1226-9 du Code du travail).
Une rupture conventionnelle signée avec un salarié inapte à la suite d’un accident du travail a été jugée abusive par la Cour d’Appel de Poitier. Plus précisément, le salarié était sur le point d’être déclaré inapte, puisque la rupture conventionnelle avait été conclue entre les deux examens constituant la visite de reprise, le contrat n’étant plus suspendu. Pour la cour d’appel, « il s’agit là d’une fraude qui corrompt la convention de rupture et entraîne sa nullité ». C’est en effet pour échapper aux conséquences de l’inaptitude en passe d’être constatée (obligation de reclassement ou licenciement entraînant le paiement d’indemnités légales) que l’employeur a eu recours à une rupture conventionnelle (CA Poitiers, ch. soc., 28 mars 2012, n° 10/02441).
Il est à noter que si la rupture conventionnelle est ainsi proscrite avec un salarié en passe d’être déclaré inapte, elle l’est a fortiori avec un salarié dont l’inaptitude a été définitivement constatée, dès lors qu’elle a pour but ou effet de délier l’employeur de son obligation de reclassement et des conséquences financières d’un licenciement.
Quelles sont les précautions à prendre en cas de contexte économique difficile ?
La rupture conventionnelle ne peut être envisagée dans le cadre d’accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et compétences et dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi.
Il est possible de conclure une rupture conventionnelle dans un contexte économique difficile ou avec un salarié dont l’emploi n’est pas concerné par un plan de sauvegarde de l’emploi. Cependant, les demandes de rupture conventionnelle dans un contexte économique difficile sont susceptibles d’être refusées, lorsque leur nombre, augmenté le cas échéant des licenciements économiques atteint, soit 10 demandes en 30 jours, soit au moins 1 demande sur une période de 3 mois si, au cours des 3 derniers mois antérieurs l’entreprise a fait 10 demandes d’homologation, soit au moins 1 demande dans les 3 premiers mois de l’année civile, si au cours de l’année civile antérieure, il y a eu plus de 18 demandes d’homologation.
Enfin, les entreprises doivent tenir compte des ruptures conventionnelles qui ont une cause économique pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel à respecter, ainsi que leurs obligations en matière de plan de sauvegarde de l’emploi.
Quelle est la procédure à respecter ?
L’employeur et le salarié conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens (Article L. 1237-12, al. 1 du Code du travail). La loi ne prévoit aucun formalisme pour la convocation aux entretiens. Il est cependant préférable que l’employeur informe par écrit le salarié de ses droits pour conserver la preuve que le consentement du salarié n’a pas été vicié.
S’il le souhaite, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (DS, membre du CE… ou tout autre salarié). Il doit alors en informer l’employeur. Dans ce cas, ce dernier peut également se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, ou pour les entreprises de moins de 50 salariés, il peut faire appel à une personne appartenant à son organisation syndicale ou par un autre employeur de la même branche. À son tour, il en informe le salarié.
Une fois que l’employeur et le salarié sont convenus de la rupture conventionnelle, il reste à formaliser la rupture et à obtenir son homologation.
La convention doit indiquer :
– le montant de l’indemnité spécifique qui ne peut être inférieur à celui de l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle si elle est plus favorable (à noter qu’il n’y a pas d’indemnité de préavis);
– une date indicative de rupture compte tenu des délais prévus pour la rétractation des parties et le contrôle par l’administration.
La convention doit être établie en 2 exemplaires et doit être datée, signée et porter la mention « Lu et approuvé » de façon manuscrite (à défaut, la rupture est nulle et emporte les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse : CA Lyon 23 septembre 2011).
À compter de la signature, les parties disposent de 15 jours calendaires pour exercer leur droit de rétractation sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen, y compris par voie électronique attestant de sa date de réception par l’autre partie (Article. L. 1237-13, al. 3 du Code du travail).
Le lendemain de l’expiration du délai de rétractation, l’employeur ou le salarié adresse une demande d’homologation à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du lieu d’établissement, qui répond par accusé de réception pour spécifier la date d’arrivée du courrier et la date à laquelle le délai d’instruction dont il dispose expire. Celui-ci est de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande.
Il existe un formulaire officiel de demande d’homologation que vous pouvez télécharger en cliquant ici.
Son contrôle porte sur le consentement des parties, la procédure, le montant de l’indemnité spécifique de rupture, la date de rupture, et l’absence de contournement de la loi. Une décision de rejet doit être motivée. Une fois passé le délai d’instruction, l’absence de décision explicite vaut acceptation.
La convention peut-elle être invalidée par le conseil de prud’hommes ?
Le conseil de prud’hommes est compétent pour tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation. Le délai de recours est de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention, ou en l’absence d’homologation expresse du DIRECCTE à compter de l’issue des 15 jours ouvrables dont dispose celui-ci pour instruire la demande.
Le conseil de prud’hommes appréciera si le consentement des deux parties à la rupture n’a pas été vicié. L’existence d’un différend entre les parties invalidera la rupture car le consentement du salarié sera remis en cause.
A titre d’exemples, l’on indiquera qu’un litige sur le paiement des salaires exclut la rupture conventionnelle (CA Lyon 23 septembre 2012) ; de même que le harcèlement moral du salarié (CA Toulouse 3 juin 2011). En outre, un employeur qui a entamé une procédure de licenciement ne peut pas revenir en arrière et négocier une rupture conventionnelle (CA Riom 18 janvier 2011).
Enfin pour en terminer sur le sujet, l’on indiquera que la clause de non-concurrence, librement consentie par les parties dans la convention de rupture, est valable et doit recevoir plein effet, dès lors qu’elle vise à assurer la juste protection des intérêts de l’entreprise. Elle doit par ailleurs être regardée comme une condition d’acceptation par l’employeur de la rupture conventionnelle (CA Bordeaux 6 mars 2012)